Rêves d’Occident, un théâtre coloré et musical
Malgré le titre, Rêves d’Occident est plutôt une fable sur les possibles dérives du monde occidental qui pourrait virer en un monde parfait mais cauchemardesque. On y voit se profiler un futur à la George Orwell dans une mise en scène où le comique côtoie un décor kitsch, avec paillettes, musique et chant qui donnent une tonalité rythmée et haute en couleurs.
Jean-Marie Piemme s’est inspiré de La tempête de Shakespeare pour parler des évolutions qui partent de la Renaissance et vont jusqu’au 21e siècle. Il a gardé le décor d’une île et le nom des principaux personnages, Prospéro, Miranda, Ariel…, du dramaturge anglais. À partir de ce point de départ dont il s’éloigne complètement et volontairement, il tisse un propos sur les dangers d’un progrès outrancier et les mirages d’une utopie politique. Fresque qui balaie des siècles, conte sur les rapports Nord-Sud, le spectacle au final brasse et emmêle beaucoup de thèmes dont le propos central se perd. Il s’agit pourtant semble-t-il d’entrevoir un monde ultra-scientifique dont les avancées médicales permettraient de réaliser des humains sans défauts. À cela s’ajoutent les questions de transgenre, d’ethnie, de société de surveillance et de monde violemment compartimenté. L’ensemble est assez confus et il ne faut pas y chercher une position tranchée, mais la forme énergique et variée offre un spectacle plein de surprises et de rebondissements. La troupe est talentueuse, elle manie le sens de la comédie pour notre grand plaisir et la scénographie créée des images de conte qui emportent l’imagination et jouent avec les registres de l’illusion.
De part et d’autre du plateau, des musiciennes à la batterie et percussion permettent de garder un tempo soutenu. Les comédiens eux-mêmes intercalent des chansons et même des numéros de cabaret fort réussis. Jonathan Pontier a mis sa touche de compositeur riche en fantaisie et cet aspect concourt à maintenir une belle ambiance de vivacité.
La deuxième partie se pare d’un volet moins joyeux avec une vidéo très présente en noir et blanc, qui représente ce que renvoient les actuelles caméras de surveillance. Les changements d’époque glissent aisément, le grotesque combiné au conte permet de voyager dans le temps avec un brin de folie enjouée. Les costumes très réussis sont tout autant des marqueurs d’époque et cette large palette de la Renaissance à aujourd’hui est au final une aventure bien menée. On rit, on est embarqué. Les variations multiples relancent les spectateurs. À l’image des longues robes flottantes et des combinaisons futuristes, on passe d’une réflexion sur la science à un dialogue de boulevard. Les comédiens se meuvent avec brio dans cette toile diaprée et ils sont les brillants personnages de ce rêve que Jean Boillot conduit avec une inventive mise en scène tragi-comique et festive.
Emilie Darlier-Bournat
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